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mis en ligne le 14 juin 2005.
 

 

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Max Havelaar se met à table

par Dante Sanjurjo

L’association s’explique auprès des milieux militants sur ses choix stratégiques. Sans toujours convaincre.

L’association Max Havelaar France a mis en ligne un communiqué titré « Le coton labellisé Max Havelaar est sans OGM ».
« Plusieurs articles parus dans la presse, y lit-on d’entrée, mettent en cause le partenariat entre Dagris et Max Havelaar France sur le coton équitable. »
Cela est indéniable et, à notre connaissance, il s’agit d’articles du Journal du dimanche (6 mars), de Politis (voir sur www.politis.fr) et de l’Humanité (29 avril), qui ont suivi le lancement, en mars, du coton équitable certifié par Max Havelaar. Mais aucun journaliste n’affirme que ce coton contient des OGM. La question soulevée, et à laquelle Max Havelaar ne répond pas, est la suivante : un acteur du commerce équitable peut-il travailler avec une multinationale actrice de la Françafrique, Dagris, qui promeut la culture de cotons OGM en Afrique ?
En tordant l’accusation, Max Havelaar peut sans difficulté y répondre. Quitte à prendre quelques libertés, en écrivant par exemple que Dagris « n’effectue pas de recherches sur les OGM » alors que, fin 2003, la multinationale s’est associée aux chercheurs agronomes du Cirad pour travailler « notamment » sur « les cultures génétiquement modifiées » (voir www.dagris.fr).

Cette question a peu été abordée par les médias, qui se contentent souvent de reprendre les informations des dossiers de presse de Max Havelaar. L’image de l’association auprès du grand public n’a donc pas souffert de ce débat. En revanche, dans les milieux militants, certains s’interrogent sur le système Max Havelaar, au sujet des OGM mais aussi de sa collaboration avec Dagris, Accor ou Leclerc.

Sur la liste de discussions de « L’Auberge de la solidarité », réseau de quelque 500 responsables d’ONG, assistants parlementaires, syndicalistes, journalistes, étudiants, etc., des échanges ont eu lieu.
Un responsable de Max Havelaar a réagi en envoyant les réponses de son président aux militants de la décroissance et le texte sur les OGM mentionné ci-dessus, dont on a montré les lacunes. Il écrit pour « dissiper un certain nombre de malentendus » et avance ses arguments. Il affirme que la stratégie de l’association est celle des petits pas et non des grands soirs (« Les enseignes de la grande distribution sont en train de modifier petit à petit leurs pratiques »). Avant cette argumentation, il donne la liste d’une vingtaine de collectifs et ONG, partenaires ou éphémères compagnons de route de Max Havelaar. Il demande, par exemple : « Les membres de Max Havelaar France (Agronomes et Vétérinaires sans frontières, Amnesty International, le CCFD, Ingénieurs sans frontières, Peuples solidaires...), ses 27 salariés et ses centaines de bénévoles [...] donnent-ils de leur temps pour promouvoir les OGM [...], le libéralisme et la consommation irresponsable ? »

Que pensent ces associations du fait de servir de « caution morale » à Max Havelaar ? Après en avoir interrogé une dizaine, il apparaît que la plupart n’ont pas été prévenues, mais ne s’offusquent pas ou ne souhaitent pas réagir. « Nous nous concentrons sur d’autres choses, ce courrier m’a semblé relever de débats internes, sans grande importance », commente une permanente d’ONG de solidarité internationale.
Certains ne sont pas encore en mesure de réagir. Amnesty International, qui, notons-le, n’est pas encore membre de Max Havelaar, explique que « le processus des OGM risque probablement de réduire la liberté des paysans, mais nous ne sommes pas des scientifiques, et prendre position est prématuré ».
Bon nombre des interlocuteurs, cependant, ne semblent tout simplement pas très au fait des polémiques en cours au sein du mouvement du commerce équitable. Ils sont par exemple persuadés que l’on reproche à Max Havelaar de proposer un coton OGM...

Toutefois, certaines associations n’ont pas apprécié le procédé. « Nous ne cautionnons pas systématiquement ce que fait Max Havelaar, et vice-versa, nous a déclaré Nicolas Wit, de Cités unies. Mais les partenariats ne sont pas là pour servir de défense. Max Havelaar est une structure à qui beaucoup de gens font confiance, raison de plus pour être vigilants. » « Ils n’ont pas à faire état de soutiens qui n’existent pas, affirme François-Xavier Verschave, fondateur de Survie, association de lutte contre la Françafrique. Nous soutenons le commerce équitable parce qu’il est un outil pédagogique, mais travailler avec des multinationales est une solution de facilité, et un peu contradictoire, car elles se jouent de tous les instruments de régulation. »

D’autres, enfin, ont souhaité revenir au fond du débat : « La Fédération Peuples solidaires (PSO) se prononcera très prochainement, à l’issue d’un débat interne, sur la poursuite de sa participation et de son soutien à Max Havelaar France (MHF), explique l’association de solidarité internationale.
L’évolution entamée depuis quelques années par cette association interroge en effet PSO, qui en est l’un des cofondateurs. En toile de fond de notre débat à venir, se trouve bien sûr une réflexion sur le concept de commerce équitable que nous souhaitons porter.
Tout d’abord, nous nous interrogeons sur la relation avec la grande distribution et l’effectivité du discours du "petit pas" tenu par MHF. Par ailleurs, il nous semble aujourd’hui que la démarche Max Havelaar tend de plus en plus à s’orienter vers un discours de type "caritatif", faisant de la démarche du consommateur une démarche charitable et non plus un acte politique en tant que tel. » Il est donc légitime d’interroger les pratiques d’une association qui, pour beaucoup de Français, est le porte-drapeau du commerce équitable.



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