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fleche ... Les LIP L’imagination au pouvoir
de Christian Rouaud (France, 2007, 1h58’, doc)
mis en ligne le 24 avril 2008.
 
Le site du film
 
Projection du film le samedi 31 mai 2008, à 16h, au Point de Bascule (108, Rue Breteuil - 13006 Marseille), à l’occasion de l’Assemblée Générale de LaPlateforme.


Article des Cahiers du Cinéma de mars 2007
par Thierry Méranger

Devenir apôtre

C’est parce qu’il revendique le plus radical et le moins impartial des points de vue que Les LIP, l’imagination au pouvoir échappe au lot commun de la production documentaire. Refus d’instruire à charge et à décharge, maîtrise des choix hagiographiques : l’accouchement de l’une des grandes utopies ouvrières françaises du XXe siècle devient modèle de l’entreprise cinématographique.

Humble et ultime film d’entreprise, donc où pointe, à travers l’aventure singulière des horlogers de Besançon - qui, il y a plus de trente ans, firent un temps échec à leur extermination sociale planifiée - une obsession déjà perçue dans l’unique incursion fictionnelle de Christian Rouaud.

Le sujet, court tourné en 1998, interrogeait la capacité du portrait filmique à faire coprs avec son sujet. Si la ficion disait alors l’echec, le documentaire parvient aujourdh’ui à recréer l’un en respectant le multiple.
Et pas seulement parce que la polyphonie des témoignages et le refus du off miment une audace autogestionnaire jadis broyée par l’attitude revancharde des grands patrons et des politiciens de la France néogiscardienne : "il faut les punir. Qu’ils soient chômeurs et qu’il le restent.". Rouaud n’a semble-t-il pas cherché à abriter dans les même cadres les acteurs qu’il sollicite. Manière de signifier que les luttes sont révolues ? Pas vraiment.

Ainsi que le suggère la clausule provocatrice - "ça peut resservir ! -, le film se refuse à la facilité de beugler à notre temps la complainte du militantisme défunt. Tissage plus subtil, le montage entrecroise les voix des protagonistes dont les propos se complètent et tendent à un chevauchement presque langien.

Car chacun interprète sa propre partition. Si l’histoire et l’esprit sont à peu près identiques, le spectateur fait jouer les infimes distorsions que proposent les changements de point de vue. C’est le cas, souvent quand les témoignages féminins révèlent un envers du décor au moins aussi palpitant que son endroit.

Un tel principe de gauchissement - glissement sémantique admis - vaut aussi pour le rapport de l’image et du son. Ainsi la séquence quasi finale où la voix de Claude Neuschwander, patron progressiste, est montée sur les plans de Charles Piaget, héros en solex du rêve collectif.

Ou encore l’évocation du document qui, arraché aux liquidateurs hypocrites, mit le feu aux poudres. Dans le souvenir des mutins, les verbes larguer et élaguer, qui décident de l’éviction abrupte de 480 ouvriers, surgissent pour symboliser le scandale. Le banc-titre révèle pourtant une autre violence, puisque l’un des mots initialement employés était dégager. Loin de donner prise à un révisionnisme, la discordance des souvenirs cautionne leur véracité. L’euphémisme, n’exhibant que sa pudeur, ne saurait mentir.

C’est donc aux antipodes d’un historicisme momifiant que le dispositif brasse la question du devenir. importent alors les moments de glissements où se prennent, rarement unanimes d’emblée, les décisions les plus significatives. Crucial l’instant ou les LIP, qui viennent de libérer les administrateurs qu’il avaient séquestrés, choisissent de s’approprier les montres. Essentiel, le doute qui saisi les premiers réembauchés au moment de leur retour victorieux. Exemplaire, l’étonnement dubitatif du cadre amené à faire visiter l’usine à des cars de pèlerins revenus de Lourdes. Et capital, aujourd’hui, le bras d’honneur qu’adresse Neuschwander au patronat qui l’a jadis trahi... Comme si importait d’abord l’entrée en transgression, comme on entre en église, de ceux qui combattent la résignation. S’actualise de fait, durant tout le film, un modèle religieux qui se pare de valeurs résistantes afin d’opposer au pouvoir une cohorte modeste de saint laïcs, d’horlogers crucifiés et de prêtres complices. LIP pour l’eternité, en somme.



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