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LE MONDE | 21.02.06
mis en ligne le 23 février 2006.
 
Le Monde
 

Pour la première fois, les fabricants de pesticides seront présents au Salon international de l’agriculture, du 25 février au 5 mars, à Paris, sous la bannière de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP). Ces industriels, pris en étau entre une réglementation européenne qui se durcit - la moitié des 900 molécules chimiques actuellement utilisées ne devraient plus être autorisées en 2008 - et des critiques de plus en plus virulentes, veulent rappeler l’utilité des fongicides (contre les mousses et champignons), insecticides et herbicides.

Ces pesticides, qu’ils préfèrent désormais appeler "phytopharmaceutiques" et dont la vocation est de tuer certaines espèces pour en protéger d’autres, sont abondamment utilisés par l’agriculture intensive. Ils sont aujourd’hui mis en cause : des scientifiques dénoncent, en effet, les conséquences pour la santé des résidus que l’on trouve sur la moitié des fruits et légumes. Ces molécules, qui ont été identifiées dans le corps d’adultes et d’enfants, sont accusées de perturber le système endocrinien et pourraient être à l’origine de certains cancers.

La presque totalité des fruits et légumes que l’on achète en Europe n’ont pas été lavés et portent encore les traces des traitements chimiques opérés pendant les cultures. Le dernier rapport de la direction générale santé et protection des consommateurs de la Commission européenne montre que, si 95 % des échantillons sont conformes à la réglementation - autrement dit ne dépassent pas la limite maximale autorisée (LMR) -, 5 % dépassent cette limite, qui est fondée sur la prise alimentaire estimée d’une personne, sans distinguer l’adulte de l’enfant ni les différentes habitudes alimentaires. Certains fruits portent jusqu’à huit sortes de pesticides différents.

En France, premier utilisateur européen de pesticides (76 000 tonnes vendues en 2004), 6,5 % des fruits et légumes testés dépassent cette LMR : 20 % des salades sont non conformes, mais aussi des citrons, des oranges, des mandarines, ainsi que des pêches et des poires, selon les contrôles effectués en 2003 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Après l’enquête de Que choisir en mars 2005, l’Institut national de la consommation (INC) a donné des précisions en janvier 2006. Sur 150 lots de fruits et légumes, des produits chimiques non autorisés ont été détectés (sur des carottes et des salades) et la multiplication de produits sur un même végétal (notamment des poires italiennes et des raisins espagnols) a été mise en évidence. D’autres pays sont confrontés au même problème. En Grande-Bretagne, par exemple, l’ONG Soil Association a constaté que 84 % des fruits et légumes distribués dans les écoles contenaient des résidus dont 65 % provenaient de plusieurs produits sur un même aliment. Or "il ne devrait pas y avoir plus de deux ou trois résidus si l’on respecte les bonnes pratiques agricoles", s’alarme 60 millions de consommateurs dans son numéro de janvier.

PROPOS RASSURANTS DES AUTORITÉS

Les professionnels font remarquer que les techniques de mesure s’améliorent et que certains pesticides peuvent être interdits dans certains pays et pas dans d’autres. Les problèmes viendraient de mauvaises pratiques agricoles qui restent minoritaires. Ces explications ne satisfont pas le professeur Dominique Belpomme, cancérologue à l’Hôpital européen Georges-Pompidou et fondateur de l’Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (Artac), dont l’analyse contredit les propos rassurants des autorités. Le 7 mai 2004, il a lancé, avec deux Prix Nobel de médecine, François Jacob et Jean Dausset, et aussi avec Nicolas Hulot et Albert Jacquard, l’"Appel de Paris", signé par 150 000 personnes, un millier d’ONG et soutenu par le Conseil permanent des médecins européens. Ce texte établit un lien entre les produits chimiques courants et des maladies en augmentation comme le cancer et la baisse de la fertilité (environ 15 % des Européens ne peuvent pas avoir d’enfant).

"Les limites réglementaires en matière de résidus de pesticides ne protègent pas les gens contre les maladies, affirme le professeur Belpomme. Ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais la répétition d’une dose, même infiniment petite, tout au long d’une vie. Il est scientifiquement prouvé que ces molécules perturbent le système de reproduction. Elles sont non biodégradables, s’accumulent dans la graisse humaine et se transmettent de la mère à l’enfant." Et, s’il n’est pas établi, "le lien est fortement supputé pour ce qui est des cancers, notamment les lymphomes", estime ce médecin. Ce propos ne laisse pas indifférente Barbara Gallani, du Bureau européen des consommateurs (BEUC), qui affirme que "le problème est encore plus crucial pour la nourriture pour bébé, où l’on trouve parfois des limites inférieures à celles imposées pour les légumes destinés aux adultes."

Alors même que "tous les paramètres qui sont utilisés pour garantir la sécurité du consommateur sont extrêmement sains et précis", rappelle l’Interfel au nom des producteurs de fruits et légumes qui, depuis dix ans, se sont organisés dans une démarche de production raisonnée, de nouveaux travaux de recherche pourraient être décidés par les fabricants, confie Jean-Charles Bocquet, directeur de l’UIPP. Une étude publiée dans la revue américaine Environmental Health Perspectives vient de montrer que la concentration de pesticides organo-phosphorés retrouvée dans l’urine d’enfants scolarisés en primaire diminuait lorsque ceux-ci étaient alimentés avec des légumes et fruits bio exempts, par nature, de pesticides de synthèse.

Florence Amalou

Article paru dans l’édition du 22.02.06



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