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fleche ... Écologie et participation des habitants sur Samsø, une île expérimentale

mis en ligne le 17 novembre 2008.
 

 

Voici des extraits d’une article paru dans Courrier international.

Hormis le fait de développer une version écologique de la production d’énergie, ce qui est intéressant dans cet article est la description de la manière dont cela s’est passé : réunions entre les habitants de l’île, création de collectifs... Les installations (éoliennes, générateurs...) appartiennent aux habitants, ou à des collectifs d’habitants. De grandes entreprises ont essayé de proposer de développer les installations (en en devenant propriétaire), ce qui a été refusé par les habitants.

Nous pouvons aller vers un monde écologique de manière dictatoriale, en reproduisant des schémas que nous connaissons déjà, qui font partie de l’ancien système (monopoles, dépendances...). Au final, socialement et relationnellement parlant, nous ne serions pas beaucoup plus avancés : impression de subir, de ne pas participer aux décisions.
C’est dans la manière de faire les choses que des changements peuvent avoir lieu, dans la manière de "faire société". Comme le montre les "réunions interminables", la régulation des intérêts particuliers... il faut travailler avec le temps, et permettre à chacun de trouver/créer sa place dans des projets collectifs.


Courrier international - n° 940 - 7 nov. 2008

Expérience écologique au Danemark - Samsø, paradis des énergies propres

Une modeste communauté insulaire a massivement investi en éoliennes et en panneaux solaires pour mettre fin aux émissions de CO2.

(...)
Samsø a récemment connu une transformation remarquable qui lui a valu une reconnaissance mondiale et une réputation internationale en matière de technologie. Bien que formant une communauté profondément conservatrice - et très unie -, les insulaires ont lancé une révolution verte sur ce petit morceau de Scandinavie balayé par les vents. Des générateurs d’électricité fonctionnant à l’énergie solaire ou éolienne, à la biomasse et aux copeaux de bois ont fait leur apparition un peu partout dans l’île, et les centrales thermiques classiques ont peu à peu été fermées et démantelées. Le processus semble s’être déroulé sans heurts. “J’ai trouvé ça très facile”, raconte Jørgen. Néanmoins, cela a eu un effet spectaculaire.

Il y a dix ans, la consommation énergétique des habitants de l’île était presque entièrement fondée sur le pétrole et l’essence importés par bateau et sur l’électricité produite par des centrales au charbon et acheminée par un câble depuis le continent. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. Les habitants de Samsø exportent vers le reste du Danemark des millions de kilowattheures d’électricité provenant de sources d’énergie renouvelables, ce qui leur a permis de réduire prodigieusement - de près de 140 % - leur empreinte écologique. Et certains estiment que ce que Samsø peut faire aujourd’hui, le reste du monde peut le réaliser dans un futur proche.

Un peu partout sur l’île, on aperçoit des signes de cette métamorphose. Des dizaines d’éoliennes de toutes les tailles parsèment le paysage, les toits des maisons sont équipés de panneaux solaires, et d’énormes hélices alignées le long de l’extrémité sud de l’île tournoient dans le vent. Les villages sont connectés à des systèmes de chauffage urbain qui alimentent les foyers en eau chaude. Ceux-ci fonctionnent grâce à des rangées de panneaux solaires qui couvrent des champs entiers ou à des chaudières dans lesquelles sont brûlés les copeaux de bois provenant des forêts de l’île ou la paille des fermes locales.

Aucune de ces initiatives n’a été imposée aux habitants par des étrangers ou financée par de grosses entreprises énergétiques. Chacune des installations appartient à un collectif d’habitants ou à un particulier de l’île. _ La révolution de Samsø est un exemple d’autodétermination - les insulaires ont décidé de montrer ce qui pouvait être fait pour réduire les effets dommageables sur le climat tout en conservant un style de vie confortable.

Prenons le cas de Jørgen. En le regardant déambuler autour de ses étables, qui abritent 150 vaches, nous sommes loin de nous imaginer que nous avons devant nous un véritable entrepreneur énergétique. Ce fermier de 54 ans a fait installer une énorme éolienne de 1 mégawatt qui domine la ferme. Quatre autres éoliennes se trouvent à proximité. Elles appartiennent soit à un fermier voisin, soit à un groupe d’insulaires. Jørgen a en outre participé pour moitié à l’acquisition d’une éolienne encore plus puissante, de 2,3 mégawatts, l’une de celles qui veillent sur la côte sud de l’île et contribuent à approvisionner en électricité une bonne partie du Danemark.

Les habitants de Samsø produisaient autrefois 45 000 tonnes de dioxyde de carbone par an - environ 11 tonnes par habitant. Grâce à des projets tels que celui-là, ce chiffre est tombé à - 15 000 tonnes (un étrange résultat négatif qui découle du fait que les insulaires exportent leur surplus d’électricité vers le reste du pays, remplaçant ainsi celle qui serait produite sur le continent dans des centrales thermiques à gaz ou au charbon). Cette remarquable métamorphose est principalement due aux habitants de l’île eux-mêmes - aidés par des fonds nationaux et européens, et par des tarifs généreux, fixes et ga­rantis par l’Etat. Les investissements sont ainsi amortis en l’espace de six ou sept ans. Par la suite, les propriétaires des éoliennes peuvent s’attendre à empocher de coquettes sommes.

La transformation de l’île tire son origine d’une initiative lancée en 1997 par le gouvernement danois.

(...)

Le chemin vers le succès a cependant été long et semé d’embûches. Il a fallu des réunions sans fin pour mettre le projet en branle. (...) Peu à peu, l’idée a fait son chemin et les réunions publiques n’ont plus été consacrées qu’aux discussions concernant le projet énergétique. Même au cours de cette phase, l’issue du processus restait imprévisible, car des conflits d’intérêts opposaient certains habitants de l’île. L’un d’entre eux, propriétaire d’une usine de ciment, a par exemple proposé de construire une centrale nucléaire plutôt que des éoliennes, arguant qu’il pourrait obtenir le contrat pour le béton du réacteur. Sa proposition a calmement été rejetée. “Nous ne sommes pas des hippies, affirme Søren. Nous voulons seulement changer notre façon d’utiliser l’énergie sans endommager la planète ou abandonner notre confort.”

(...) Il faut aussi rappeler que la transformation de l’île a un prix. Pas moins de 420 millions de couronnes [51,5 millions d’euros] ont dû être investis par le gouvernement danois, l’Union européenne, des hommes d’affaires locaux et des membres de collectifs. La révolution énergétique de Samsø a donc coûté environ 13 000 euros par habitant, même si une bonne partie de cette somme provient de leurs contributions directes. Si on multiplie cette somme par 60 millions - soit la population du Royaume-Uni -, on obtient un coût équivalent à 780 milliards d’euros pour appliquer le même type de métamorphose au Royaume-Uni. Ce qui est tout à fait irréaliste, comme le reconnaît joyeusement Søren. “Il s’agit d’un projet pilote pour montrer au monde ce qui peut être fait. Nous ne suggérons pas qu’il faut reprendre toutes nos mesures radicales. Les gens devraient sélectionner celles qui leur conviennent afin de réduire modestement mais notablement leurs émissions de carbone. L’important, c’est d’avoir démontré que, pour changer nos habitudes énergétiques, il faut partir de l’échelon local et ne pas chercher à imposer la technologie aux gens. Par exemple, lorsque Shell a entendu parler de notre projet et souhaité s’impliquer - à la condition de devenir propriétaire des éoliennes -, nous avons dit que nous n’étions pas intéressés. Nous sommes des fermiers. Nous croyons en l’autosuffisance.”

(...)

On amène régulièrement un troupeau de moutons paître dans le champ pour brouter l’herbe avant qu’elle ne soit trop haute et n’empêche les rayons de soleil d’atteindre les panneaux.”

“Personne ne s’oppose à ce qu’il y ait des éoliennes ici, parce que nous en possédons tous une”, explique Brian Kjar, électricien. C’est là la véritable leçon de l’expérience de Samsø. Il s’agit plus d’une révolution sociale que technologique. En fait, l’une des exigences spécifiques du projet, lorsqu’il a été lancé, prévoyait que seules des technologies déjà existantes et prêtes à l’usage devaient être utilisées. Les véritables changements se sont donc produits dans le comportement des gens.

(...)

Robin McKie
The Observer



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